«Carmen», «Colomba», «La Vénus d'Ille» : ce sont là trois
chefs-d'oeuvre assurément, mais dont l'aura a occulté tout
le reste et notamment une monumentale Correspondance faite de milliers
de lettres, établie par Maurice Parturier, et qui constitue pour le
chercheur, l'exégète et le bibliophile un fonds de tout premier ordre. Il
en va non seulement d'un précieux témoignage historique (Mérimée a
traversé le siècle aux «avant-postes», en tant que haut fonctionnaire),
mais aussi d'un irremplaçable document sur l'art de l'écrivain, presque
d'un art poétique : elle ne laisse pas en effet d'être délicieusement littéraire,
c'est-à-dire constamment traversée, animée d'une réflexion
concomitante, implicite et subtile sur le fait littéraire. Son charme en
est, du coup, toujours recommencé, l'esprit toujours neuf.
Ce livre qui rassemble sept études n'a pas la prétention de dresser
un panorama complet de l'épistolarité mériméenne ; il se veut incitatif
et voudrait ouvrir de nouveaux champs pour la recherche, donner aussi
à l'esthète, à celui qui aime à retrouver au fil de ses promenades littéraires
La Fontaine, Rabelais, Molière, Voltaire, et à relire La Princesse
de Clèves, Adolphe, Manon Lescaut, le goût de fréquenter Mérimée.
Sans doute en effet cette correspondance cultive-t-elle, à sa façon, le
sens exquis de la brièveté, cette densité et cette légèreté tout à la fois,
ce sens de la formule qui est peut-être comme la marque traditionnelle
d'un certain esprit français et que Mérimée, à l'époque romantique,
préserve comme un patrimoine... Mérimée épistolier se voudrait une
invitation à converser avec ce gentilhomme original, serviteur de la
belle prose, savant conservateur, philologue hors pair, ennemi avant
tout du plat et du morne, de la mode et de la veulerie, en un mot de la
laideur moderniste.