À l’heure où la Turquie et l’Union Européenne entament les négociations d’adhésion, après quatre décennies de relations parfois houleuses, l’existence d’une population européenne d’origine turque nombreuse, de trois à quatre millions de ressortissants turcs ou d’Européens originaires de Turquie, a permis l’émergence de relations denses et quotidiennes entre les deux espaces géographiques. Il n’est pas ici directement question de l’intégration des immigrés, mais de l’ensemble des relations physiques (les personnes), économiques, sociales, culturelles, véhiculées par des systèmes de transports et de communications. Cet ensemble de relations discrètes, mais incomparablement efficace, est dit ici circulation migratoire. La question posée est celle de l’émergence d’un nouveau type de diaspora, comme le pensent certains chercheurs, ou de celle d’un autre rapport à l’espace, construit autour de réseaux variés. Ce rapport pourrait être celui de la société nomade face à la société sédentaire, mais dans un contexte socioéconomique fort différent de celui où ces termes ont été forgés. De toutes les manières, la circulation migratoire turque, composée de familles, de personnes isolées de tous statuts migratoires possibles, de transporteurs et de commerçants, de diplomates et de journalistes, de flux touristiques, financiers, culturels et matériels – les norias de semi-remorques observées sur les autoroutes allemandes, les avions sous pavillon turc dans tous les aéroports européens... -, intègre l’espace turc à l’espace européen bien plus sûrement qu’un traité d’adhésion.