«Soulignant ce fait, j'en viens à cette remarque d'apparence
bénigne, mais que je crois capitale. Est-il vrai - surtout de nos jours -
que la conception anthropologique moderne qui prive l'homme de sa
dimension spirituelle, qui le prive de l'esprit, et le condamne par là à
n'être que physique et psychique, que corps et âme, est-il vrai que cette
conception «marche» ? Est-il vrai qu'elle «marche» si bien que cela ?
Le contraire n'est-il pas bien plus évident ? Et si l'essentiel des maux
qui accablent l'homme actuel : maladies, angoisse, solitude, dépression,
suicide, drogue..., si l'essentiel des maux qui atterrent les sociétés
modernes : chômage, inégalité, pauvreté, racisme, délinquance, criminalité,
terrorisme, guerres..., si l'essentiel des maux qui maintenant
exténuent la terre : extinction des espèces animales, réchauffement
climatique, marées noires, désertification, épuisement des ressources,
déforestation éhontée,... si cet essentiel venait, précisément, de ce que
l'homme se conçoit, se construit et se vit sur la base d'une représentation
de lui-même qui soit fausse et ne rende pas justice à la réalité de
son être ? D'une représentation de lui-même qui, parce qu'elle déforme
tout ce qu'il voit et tout ce qu'il touche, ne lui donne pas accès au
monde tel qu'il est et le plonge dans un immense désarroi ?»