A chaque fois qu'une critique féministe de la littérature africaine a été écrite
durant les vingt dernières années, pourquoi était-il nécessaire que l'auteur s'excuse
d'avoir recours à la théorie féministe occidentale, ou de ne pas avoir utilisé la
théorie de Lacan ou de Derrida ? On a habituellement justifié ces réticences par le
fait que la théorie occidentale a été élaborée dans un contexte culturel occidental, et
qu'elle n'est par conséquent valable que pour des oeuvres occidentales. Au-delà de
ces questions de points de vue - de chercher à savoir qui a le droit intrinsèque ou
l'éducation adéquate, pour comprendre ou parler des textes africains - il y a la
question plus importante de savoir ce que cette résistance à la théorie féministe
occidentale signifie, et par la suite, que gagne-t-on ou que perd-on à utiliser cette
théorie.
Cette étude tentera d'aborder ces questions en mettant l'accent sur un aspect de
la pensée féministe, celui que l'on associe aux féministes françaises et à ceux ou
celles qu'elles ont influencés. Cette approche fixe l'outil théorique à l'intérieur de
la sphère de la critique psychanalytique, et débouche sur les questions concernant
l'écriture féminine, le sujet et les problématiques de la position du sujet, et avant
tout, les nuances de langage qui requièrent une lecture plus rigoureuse des oeuvres.
Parmi ces oeuvres, on compte les premiers écrits par des femmes écrivains, telles
que «Certain Winds from the South» de Ama Ata Aidoo, le film Mossane de Safi
Faye, et plus récemment les oeuvres de Tsitsi Dangarembga, Calixthe Beyala,
Véronique Tadjo et Tanella Boni, celles qui comprennent la seconde vague
d'écrivains féministes. Comment peut-on lire ces auteurs à la lumière des analyses
de Julia Kristeva, Luce Irigaray, Jane Gallop, et Judith Butler et plus généralement
des approches théoriques influencées par Jacques Lacan ? Là est le défi pour une
étude dont le but est de lire toute une série d'oeuvres africaines passionnantes à
travers le regard des penseurs féministes qui comptent parmi les meilleurs et les plus
provocateurs.