Ma mère est partie, silencieuse, rejoindre la vieille absence de mon père qui n'a jamais eu le temps de nous dire adieu. Tous, nous sommes restés sur le seuil de notre maison pendant des années à attendre son retour. Écrire là-dessus, aujourd'hui, c'est marcher vers la maison qui n'existe peut-être plus, en retrouver les murs, le toit, les fenêtres ouvrant sur la majestueuse campagne et la fameuse chambre où nous dormions, juste au-dessus de l'écurie, avec son flot d'odeurs et les vagissements des bêtes. Écrire, est-ce errer à travers des ruines, celles de l'enfance, puis de l'âge adulte ?
La maison où a chanté mon enfance s'est tue soudainement quand d'autres ont poussé la porte que je ne franchirai plus.
Jardin abandonné aux mousses, aux saisons, aux orties, aux étés farouches, aux hivers encombrants, je me demande même si un jour nous avons vécu ici, tout contre l'épaule d'un père, d'une mère. Temps, féroce navire du mystère, où nous conduis-tu ? Au milieu des herbes hautes régnait un arbre au beau visage de feuillage et de lumière qui demeure dans le souvenir. Temps, dévoreur d'avenir, tu savoures ton festin. Tu n'épargnes ni la neige, ni le soleil. Maintenant je passe en silence devant cette maison, et je ferme les yeux.