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Alors qu'il vient d'achever les deux premières parties d'Ivan le terrible
et relève à peine d'un grave infarctus, S. M. Eisenstein passe les dernières
années de sa vie à travailler à un projet d'Histoire générale du cinéma qu'il
laisse en chantier à sa mort, la plume à la main, en février 1948. Professeur
depuis la fin des années 1920 à l'Ecole de cinéma de Moscou, nommé
docteur en science de l'art en 1939, c'est en qualité de directeur du
département Cinéma de l'Institut de recherche scientifique d'Histoire de
l'Art, sous l'égide de l'Académie des Sciences de l'URSS, qu'il est chargé
d'entreprendre ce travail qui l'amène à se poser, en préalable, des questions
de méthode, d'objet et d'écriture de cette histoire du cinéma.
Ainsi ces «Notes», qui demeuraient dans les archives du cinéaste avec ses
autres manuscrits non publiés, jettent-elles les prémices d'un programme
d'études et de recherches qui ne s'attachent pas aux films, aux oeuvres, aux
réalisateurs, aux pays - comme le font alors la plupart des histoires du
cinéma - mais au medium lui-même envisagé à la fois dans une généalogie
complexe et une intermédialité généralisée, selon une triple temporalité : le
temps long des systèmes sociaux et des modes de production, le temps court
des filiations techniques, des médias singuliers, celui des besoins et des
pulsions humaines.
À l'âge des remaniements de tous ordres affectant la «sphère médiatique»,
l'opération historiographique eisensteinienne vient proposer une approche
qui redessine le paysage dans ses couches «géologiques» comme dans ses
aspects actuels en mettant en oeuvre une écriture jouant du montage et de
l'anachronisme.
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