Pour les écrivains marqués par les crises du
moderne, la musique offre le modèle d'une
tension permanente entre la construction et
la déconstruction, le tout et la partie, le fragment
et la totalité. La musique rappelle qu'un ordre est
possible et que cet ordre est sans cesse remis en cause,
pour le meilleur et pour le pire. Qu'il s'agisse de la
communauté des auditeurs opposée à la déréliction
chez Berg, du «clair-obscur» pour Julien Gracq, de la
fugue des Faux-monnayeurs ou de la prière de Marie
dans Wozzeck, de l'album et du Livre chez Barthes,
du «roman musical» comme dépassement des
antagonismes, du jeu de la liaison et de la déliaison
chez Quignard, de la puissance unificatrice de l'amour
selon Mauriac, la musique d'Orphée donne le bel
exemple d'une harmonie qui se nourrit de son propre
désenchantement.