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Des romanciers québécois ont parfois pris le risque (mais c’est de plus en plus rare) d’emmener leurs personnages à Paris pour qu’ils essaient (désir, velléité, épreuve ?) d’y vivre, sinon une vie parisienne, une vie ailleurs, leur imaginant une existence dans la vieille ville de Voltaire, de Vian. Yan Hamel, lisant ces romans de Paris que signèrent Anne Hébert, Marie-Claire Blais, Jacques Poulin, Michel Tremblay, Gail Scott, Jacques Godbout, Victor-Lévy Beaulieu, la Manitobaine Gabrielle Roy et l’Acadienne France Daigle, n’a pu que constater les tristes inappétences de ces émigrés romanesques, un certain malaise, un mal-être nourri d’un sourd et profond sentiment de servitude culturelle.
Car les deux solitudes ne sont pas toujours celles qu’on pense, et le Canayen, le pas sortable, le forestier, pour paraphraser Gaston Miron, ne peut s’empêcher de se sentir dépaysé, gauche, empêché, quand il débarque à Paris, cette mère perverse et narcissique. Le choc culturel n’en est que plus grand et pernicieux, parce que nous portons en nous un amour inné pour la France et que nous nous berçons de l’illusion d’une «langue partagée», qui se révèle au contraire le plus implacable de tous les instruments de division.
Ce livre est un essai ludique, car au milieu d’une pénétrante analyse des textes coule un filon poétique qui joue de toutes les tonalités et de tous les accents, allant du joual à l’argot, et qui creuse tout l’inavouable du malaise qui nous gagne infailliblement quand nous foulons les trottoirs de la Ville Lumière. Devant ce constat, Yann Hamel s’emporte et se fait, en héraut baltringue, le ramasse-miettes de ces agapes ratées.