Comment parler des camps ? Peut-on penser les génocides aujourd'hui ? L'institution des «devoirs de mémoire» cache une culture polémique qui dénie ou hiérarchise les souffrances, pendant que se succèdent de nouveaux crimes de massé. Mais quelle place ces destructions laissent-elles à l'imagination de l'humain, là où le réalisme montre sa déroute ? Peuvent-elles s'inscrire dans la «culture» sans nouvelle «barbarie», et faire l'objet d'une vivante transmission ?
Pour tenter de répondre à ces questions, trente-trois chercheurs - aussi différents que Janine Altounian, Omer Bartov, Jean Bollack, Alain Brossat, Muhamedin Kullashi, Véronique Nahoum-Grappe, Myriam Revault d'Allonnes, Tzvetan Todorov, Enzo Traverso, Irving Wohlfarth... - se sont prêtés à un échange intercommunautaire et transdisciplinaire lors d'un colloque qui s'est tenu à la Sorbonne en mai 1997.
Né de la volonté de mettre en présence les champs cloisonnés de l'historiographie et du témoignage littéraire, la conscience européenne et ses points aveugles, et d'échapper ainsi à la logique binaire qui oppose l'Universel au Particulier, le «savoir» objectif à l'«expérience» subjective, le présent recueil met en relation le décryptage d'événements récents (Rwanda, ex-Yougoslavie, Algérie) ou mal connus (génocide cambodgien, famine planifiée en Ukraine) avec l'héritage d'événements plus anciens (génocide arménien, génocide juif). La phénoménologie des violences politiques y conduit à une interrogation sur l'humain.