Passeports pour la liberté
Histoire de Samira
Théâtre et sociologie au lycée
« Je crois que j'ai compris très tôt la propension de l'autre à nous enfermer dans une case de manière irréversible. Contre cette angoisse de l'enfermement, j'ai développé dès l'adolescence une forme d'agilité dans ma capacité à me "dé-placer", pour demeurer toujours un peu insaisissable au regard enfermant d'autrui. C'est la condition pour une ouverture aux possibles qui déjouent les statistiques sociales. »
Au coeur de ce livre, il y a d'abord une de ces « histoires extraordinaires de gens ordinaires » (Joyce Carol Oates). Un récit de vie. Celui que Samira Belhoumi, 42 ans à l'époque, a confié, à l'été 2012, au sociologue Stéphane Beaud, lors de plusieurs entretiens, prémices de l'enquête de 5 ans qui allait aboutir à la parution, en 2018, de La France des Belhoumi : un chemin de femme vers sa liberté, jalonné d'obstacles en tous genres ; une histoire de contournements, pour arriver, comme le dit Samira, à « se rapprocher peu à peu d'elle-même ».
Mais ce livre se veut aussi le compte-rendu, à plusieurs voix, d'une aventure exceptionnelle par son maillage, son ampleur, sa force relationnelle, et, aux dires unanimes de ses participants, ses effets. Une aventure partagée par des centaines d'enseignants et plus de dix mille lycéen(ne)s de la France entière : depuis janvier 2021, Stéphane Beaud et Dominique Lurcel ont rencontré des publics lycéens extrêmement diversifiés, l'un avec ses conférences et ses questionnaires anonymes, l'autre avec l'adaptation qu'il a faite des deux premiers entretiens avec Samira Belhoumi (plus de 150 représentations) : débats, confidences en off, retours des enseignants, témoignages d'élèves. Découverte de l'autre ici, effets miroir là : l'ensemble réuni ici, corpus d'une richesse impressionnante, autorise un regard très éloigné du discours dramatisant sur « l'école en ruines », « l'échec de l'intégration », un regard radicalement à contre-courant de la vision haineuse et simpliste diffusée à longueur de journée par les discours d'extrême droite et certains médias en boucle.