Partage de Midi a une caractéristique surprenante : c’est une pièce autobiographique, affirmée comme telle, écrite par Claudel, de son propre aveu, pour se délivrer d’un drame particulièrement angoissant et qui le laissait démuni. Mais l’auteur dramatique ne dispose pas d’un je qui lui permettrait de se dire : il n’est pas sujet de l’énonciation (au moins pour le dialogue), il n’y a pas de personnage particulier auquel il puisse déléguer sa propre parole. L’autobiographique dans ce texte pose donc une question que nous n’avons pas fini de trouver devant nous. Il est assez extraordinaire de voir un auteur dramatique mettre en scène sa propre histoire ; ici le projet autobiographique est consubstantiel à l’écriture : le drame n’est pas écrit à l’aide de matériaux autobiographiques, il est écrit pour tire autobiographie, pour donner sens au biographique aléatoire. Jamais on n’a vu de cas plus flagrant d’intertextualité biographique : Claudel écrit et réécrit Partage de Midi, avec le sentiment d’écrire et de réécrire sa propre vie, comme si le texte biographique et le texte dramatique étaient l’envers et l’endroit du même texte.