« Crise de l'autorité, crise de l'école et de l'éducation, crise du travail, exhortations morales en lieu et place de la conscience politique, guerre contre le passé, l'histoire, la langue, « un homme moderne qui a perdu le monde pour le moi » : ouvrez un livre d'Hannah Arendt et vous aurez le sentiment que l'encre y est à peine sèche.
Arendt jette les lumières les plus vives, les plus crues, les plus cruelles aussi, sur les maux qui nous assaillent. Mais notre philosophe fait mieux encore que nous éclairer : elle ne nous laisse pas sans ressources face à l'ensemble de ces crises. Elle nous dote d'une philosophie qui nous permet d'avancer d'un pas assuré en ce monde, de ne pas vaciller à tous les vents.
Alors, Hannah Arendt, un penseur pour notre temps ? Assurément. Mais nullement de notre temps. Et en aucune façon pour des lecteurs qui demanderaient à une oeuvre de renchérir sur leurs certitudes, de prendre soin de leur confort moral et intellectuel. C'est toute la fécondité et la saveur de sa pensée que de venir inquiéter les évidences du présent, de désaccorder toutes les clochettes pavloviennes qui nous tiennent lieu de pensée.
J'ai moi-même, tôt, contracté cette dette à l'endroit d'Arendt. Fasse que celle-ci soit contagieuse et que le lecteur y puise à son tour de substantielles nourritures ! »