Certes, on peut toujours croire sur parole ;
mais parfois il est nécessaire d'y aller voir
par soi-même - De Visu, dans un retour
réflexif et critique.
Pour cela, rien ne vaut, dans l'interrogation
de la tradition philosophique en particulier,
la pratique effective des textes, un regard
nouvellement jeté sur des corpus parfois trop
connus, parfois oubliés. Lire véritablement, vivre
les textes, c'est-à-dire voir autant que faire voir :
traverser soi-même l'expérience désignée par
le texte pour manifester les «choses mêmes»
qui toujours s'y tiennent cachées.
Ni école philosophique, ni enfermement
dogmatique, De Visu est une collection de livres
qui prétend à l'ouverture critique de la pensée
par le déploiement de l'ancien à partir d'une
interrogation qui tient compte des exigences
et des situations contemporaines.
De Visu, l'homme voit certes, et aussi fait voir
- mais plus encore il se laisse voir, selon une
autre visée qui l'envisage d'autant plus qu'elle
le dévisage. C'est pourquoi tout véritable essai
se mesure, non pas à notre effort résigné pour
camper sur nos frontières, mais à notre audace
décidée pour nous laisser transformer par cela
qui, d'abord, nous était étranger.
Maître Eckhart a donné à penser à trois grands ténors de la phénoménologie :
Martin Heidegger, Jacques Derrida et Michel Henry. Cette présence d'un
penseur médiéval, philosophe et théologien, n'est pas sans poser question
dans un contexte contemporain. Elle conduit à une double constatation : son
influence est à la fois décisive et divergente. Loin d'être anecdotique, le recours
à Eckhart concerne la méthode phénoménologique elle-même. Il surgit là où le
pouvoir constituant de l'ego devient problématique. Les solutions apportées
par Heidegger et Henry sont antinomiques, tandis que Derrida reste dans une
ambiguïté voulue. Ce conflit d'interprétations ne peut être démêlé qu'en
revenant aux principes herméneutiques mis en oeuvre par Eckhart. Grâce à sa
«mystique spéculative», il est possible de penser un contrecoup théologal sur
la phénoménologie de Husserl. Encore faut-il accepter la percée de l'ego.