Un musulman détenu à Abou Ghraïb ou à
Guantanamo. Une femme-soldat mettant son
zèle militaire et sa féminité au service de la
Guerre contre le Terrorisme. Des manuels de
l'armée sur la coercition du prisonnier, et des
consignes implicites sur les «tactiques sexuelles»
qu'ont peut employer. Tels sont les éléments
de l'interrogatoire en tant que dispositif
politique. Après ceux qui firent scandale en
2004, où des violences sexuelles furent exercées
par des femmes, l'artiste Coco Fusco a
suivi une formation militaire à l'interrogatoire,
dépouillé les archives de l'armée et du FBI et
navigué dans le vertige de forums et d'images
consacrés à ces actes de torture sexuelle. Ce
qu'elle en ressort va au-delà d'une étude de
cas, nous confrontant non seulement à «l'état
d'exception» américain et au rapport des
femmes au pouvoir, mais aussi à l'énigme de
la domination : Peut-on encore se dire «extérieur»
à la guerre ? Les images du conflit
servent-elles à le justifier, le documenter, en
faire le réservoir de nos fantasmes ? Comment
penser l'absence d'images ? Quels rapports,
enfin, entre la construction du genre féminin
et le fait de la violence, entre les clichés culturels
et l'asservissement, et entre société de
consommation et extermination ? Cheminant
de Susan Sontag à Virginia Woolf, Coco Fusco
réenvisage la question de la guerre en deçà et
au-delà de la différence sexuelle.