"En 2004, l'Université catholique de Louvain a organisé
un colloque Jouve-Bauchau. Cela m'a beaucoup
troublé, et j'ai pensé que me comparer à lui aurait
semblé à Pierre une offense. Quant à Blanche, elle
souhaitait rester dans la vie secrète. Mais puisque, depuis
lors, Jean Starobinski, malgré les interdictions
formelles de Jouve, a décidé de publier les OEuvres
complètes au Mercure de France en réintégrant les
oeuvres d'avant la vita nuova, j'ai pensé qu'il valait
mieux laisser faire. Pourtant au fond de moi-même, je
pense toujours que ma chère Blanche n'aurait pas aimé
que je sois comparé à Pierre. Je crois que c'est là la
raison fondamentale du retard que j'ai mis à faire ce
livre que je projetais sur elle et Pierre, et dont je n'ai
jamais pu écrire que des fragments sous forme d'articles.
Je pense que j'ai dépassé toutes ces résistances. Le
sentiment de culpabilité à parler alors que Blanche
aurait sans doute préféré le silence, le complexe vis-à-vis
de Pierre ont diminué et peut-être disparu. Et je peux
maintenant essayer de témoigner objectivement sur les
génies respectifs de Pierre et Blanche. Lui avait celui
de la parole, elle celui de l'écoute."
Henry Bauchau
(Extrait)