Poèmes choisis (1912 - 1918)
Hymne à la jeunesse condamnée
Quel glas sonner pour ceux qui vont à l'abattoir ?
Seule la monstrueuse fureur des canons,
Seul le crépitement saccadé des fusils
Pour bredouiller leurs oraisons précipitées.
Nulle raillerie pour eux de prières ou cloches,
Et nulle voix des endeuillés sinon les choeurs,
Les choeurs aigus, déments des sifflements d'obus,
Et l'appel des clairons dans de tristes comtés.
Quels cierges pour leur dire un au-revoir à tous ?
Ce n'est pas dans les mains des gars, mais dans leurs yeux
Que brilleront les saintes lueurs des adieux.
La sueur pâle au front des jeunes filles sera leur suaire,
Leurs fleurs : la tendresse d'esprits silencieux,
Chaque lent crépuscule : une chute de stores.