Les poétiques médiévales ne s'inscrivent pas nécessairement dans le choix d'une unité de ton ou de registre, ni même au coeur de ce que nous appelons, par commodité, les genres littéraires. Un certain nombre de textes choisissent au contraire de jouer avec les horizons d'attente et de brouiller les pistes, en cultivant des stratégies d'entre-deux : entre-deux génériques, registraux ou thématiques, destinés à déstabiliser leur public. Ces jeux de croisements ont longtemps dérouté la critique et nui à l'image de la littérature médiévale, trop souvent jugée à l'aune des poétiques classiques. Ce sont ces croisements délibérés, avec les effets d'ambiguïté qu'ils produisent (effets esthétiques, brouillages du sens, mais aussi effets du point de vue de la réception par le lecteur) que l'on s'efforce de mettre au jour et d'étudier dans ce volume, en distinguant, au sein de cette pratique, des poétiques ludiques et des poétiques provocatrices destinées à faire penser. L'enquête porte sur des textes de toute nature, de la chanson de geste au Roman de la Rose et au Testament de Villon, en passant par l'historiographie et les parodies de thèmes pieux, de la fin du XIe jusqu'au XVe siècle.