La sympathie initiale que la Révolution iranienne de 1979 sut gagner
auprès de l'opinion publique internationale laissa très rapidement
la place au trouble puis à la répulsion. Qualifié de
«fondamentaliste» ou d'«intégriste», le nouveau régime paraissait
nettement hostile au processus de modernisation entamé
depuis quelques années en Iran, et capable d'y mettre fin par la radicalité
de ses chefs. Cette stigmatisation de la République islamique
entraîna celle de la révolution qui lui avait permis de naître, assimilée
alors à la négation brutale, par une société immature, de la
modernité proposée par Mohammad Reza Shah.
Le présent travail est né du besoin de tirer au clair cette question
épineuse du processus de modernisation en Iran, en mettant de
côté les a priori construits lors des événements révolutionnaires.
L'objectif est de poursuivre dans la voie d'un approfondissement
de l'analyse, pour vérifier si, effectivement, la Révolution et la
République islamiques ont interrompu un processus de modernisation
préexistant, et quelle importance on peut donner à la césure
de 1979.
Cet ouvrage aborde ces questions en examinant l'évolution de la
société et des comportements par une analyse des phénomènes démographiques
et tout particulièrement de la fécondité. Le déclenchement
de la transition de la fécondité et son accélération sous la
République islamique sont l'illustration par excellence de la capacité
d'une société à inventer sa modernité en dépit d'un contexte politique
et juridique a priori défavorable.
Par cette modernisation apparemment paradoxale sous la République
islamique, la société iranienne confirme non seulement l'autonomie
de sa dynamique par rapport à la sphère politique, mais révèle
aussi qu'elle est capable de peser sur cette sphère, en imposant le
rythme et la nature de son propre processus de modernisation.