On peut toujours tenter de décrire Poreuse « techniquement », comme une expérience, un jeu de fragments agencés, une narration détournée en marche latérale, bonds et rebonds, écarts, avec des sauts de science fiction, une creusée de chemins labyrinthiques.
C’est peut-être la première chose qui viendra à l’esprit du lecteur, d’être emmené sans heurts dans des directions neuves, de liens en liens, la curiosité de se perdre, d’être perdu, de retrouver des marques, de se déplacer finalement dans un tout autre environnement que prévu.
Ça commence au bord de la mer, propice à embarquement, pas de hasard. Quelqu’un débarque justement. Des figures se croisent, celles de Mathilde, Guillaume et Jacques. À chacun une facette du monde visible et les repères sont simples, une virée à bicyclette, une villa, un jeune homme mal dans sa peau.
Et puis c’est l’embardée, les destinations changent, les limites se désagrègent, Poreuse, ça brasse, les éléments se traversent les uns les autres. Il y a drame, naissance et mort, fragilité humaine, la peur, l’autre, qui est l’autre, un corps coincé dans des tuyaux qui cherche une sortie, une étreinte.
Les fragments de Poreuse ne sont pas placés côte à côte, en briques de construction, mais comme mis en bouquet froissé, avec tout en haut une pointe dure. Secrets lourds que l’on déterre (ou qu’on enterre), bribes sorties de l’inconscient, espoirs immenses, rêves, images oniriques et réalité tranchante, avec Poreuse, Juliette Mezenc explose les limites d’un « genre ». Et les chemins de lecture préparés par Roxane Lecomte repoussent les bords.
« La lune découpait des rectangles de lumière froide sur les cubes de béton destinés à renforcer la digue. Ils étaient penchés de façon inégale, et j’ai pensé à une colonne de barbares titubant sous leur propre poids. Sans un mot, on a commencé à travailler. [...]
On s’est réveillés, le jour pointait.
La mer autour des rochers était recouverte de pommes rouges, en grand nombre, qui ondulaient en nappe au rythme des vagues. On aurait dit que le brise-lames avait mis une jupe rouge, et qu’il dansait. »
Christine Jeanney