« Dans toutes les branches des affaires humaines, la pratique a devancé la science. La recherche systématique du modo d’action des forces naturelles est le résultat tardif d’une longue suite d’efforts tentés dans la vue de faire servir ces forces à quelque fin pratique.
L’Économie politique considérée comme science est toute moderne, mais l’objet dont elle s’occupe a de tout temps constitué l’un des principaux intérêts de l’humanité, et souvent même a pris dans les institutions des peuples une place à laquelle il n’avait pas droit.
Cet objet est la Richesse.
Les économistes se donnent pour mission soit de rechercher, soit d’enseigner la nature de la richesse et les lois de sa production et de sa distribution. Cette étude comprend celle de toutes les causes qui, relativement à cet objet des désirs de tous, rendent prospère ou misérable la condition des hommes en société.
Ce n’est pas qu’un traité d’Économie politique puisse discuter ni même énumérer ces causes diverses ; mais il entreprend de dévoiler tout ce qu’il a été possible de connaître des lois et des principes selon lesquels ces causes opèrent.
Chacun se fait de la richesse une notion assez claire pour l’usage ordinaire. Les études qui ont la richesse pour objet ne risquent pas d’être confondues avec celles qui se rapportent à quelque autre des grands intérêts de l’humanité. Chacun sait qu’être riche est une chose ; que c’est une autre chose d’être bravo, instruit, humain ; chacun comprend que les recherches sur les causes de la liberté, de la vertu, de la science littéraire, de la culture des arts, du courage, chez un peuple, sont distinctes de celles qui ont pour objet les causes de la richesse. Cependant ces états divers ne sont pas sans relation, ils réagissent les uns sur les autres. Quelquefois une nation est devenue libre, parce qu’auparavant elle était riche ; une autre est devenue riche, parce qu’auparavant elle avait conquis sa liberté. Les croyances, les lois d’un peuple agissent puissamment sur son état économique, et cet état, à son tour, par son influence sur les relations sociales, réagit sur les lois et les croyances. Mais bien que ces objets soient en un contact continuel, ils sont d’une nature toute différente et ont toujours été considérés comme distincts. »"