Quand l'État tue la Nation
Face au sentiment de division qui nous envahit, il est tentant d'incriminer la nation, de la présenter raciste les soirs d'élection, antisémite au fil des émissions, dépressive tout au long de l'année. C'est un réflexe normal de se sentir fatigué de ces commémorations sans fin, de parler de guerre civile ou d'ensauvagement du pays.
Moi aussi, il m'arrive parfois de ne plus y croire. L'envie est réelle de pester contre nous-mêmes, Français, de nous souhaiter d'échouer pour de bon. Tellement de bêtise collective, d'irresponsabilité individuelle. Les solutions simplistes en deviennent séduisantes.
Oui, la France s'est fragmentée mais ce n'est pas parce que les Français ont égaré leurs valeurs. Contrairement à ce qu'affirme une génération d'intellectuels en mal de combats, le coupable, ce n'est pas la nation mais l'État. La nation peut sembler affaiblie ou anémiée, mais il ne lui faut qu'une occasion pour reprendre vie, se jeter dans la rue pour célébrer ou se rassembler.
C'est l'Etat impotent, démissionnaire dans sa politique éducative, inefficace dans sa politique de redistribution, défaillant dans sa politique d'emploi, qui est à la source de nombre de nos problèmes. L'État a patiemment créé la société immobile qui tue en silence toutes chances de promotion sociale, stérilise le risque et hypothèque l'avenir de la jeunesse.
Dans la société immobile, où rien ne se crée, tout se prend. Prédation et violence règnent à tous les étages. Sans prospérité, plus de nation.
Dresser plus de murs sur les conseils des souverainistes ou se soumettre à la toute-puissance de la technologie sont autant d'impasses. C'est en réinventant l'État que nous retrouverons la nation.