« Est-ce que notre enfance est importante pour quelqu’un d’autre que nous-même ? C’est la question que je me suis posée avant d’écrire les premières lignes de Quartier charogne. Pourtant, une fois la première phrase jetée, le reste a suivi. Je ne voulais surtout pas faire un livre sur toute ma vie d’un coup, c’est pour ça que j’ai choisi la tranche de six à quinze ans, de notre arrivée rue des Maraîchers dans le XXe, le quartier Charonne, jusqu’à notre expulsion un matin de juin, quand ils nous ont jetés sur le trottoir, ma mère et nous, les cinq gosses, sans nulle part où aller. J’ai essayé d’être le plus franc possible, ça n’a pas été toujours facile, il y a des choses qu’on préférerait garder secrètes, d’autres qu’on aurait tendance à romancer, on est tenté de faire des petits arrangements avec sa mémoire. J’ai vraiment tout fait pour être au plus près de ce qui s’est passé pendant ces neuf années. »
N. A.
Et c’est bien comme ça qu’il l’a écrit, ce livre, Aurousseau. Le parler brut et sans fioritures de l’ancien taulard fait revivre le gamin en culottes courtes dans le Paris populaire des années 1950. Tout y est, les couleurs, les senteurs, les marchands de quatre saisons, les petits bals et l’accordéon, les fêtes foraines, les bars et les poivrots, les voyous et les bastons. Quartier charogne est le récit d’une enfance marquée par l’amour d’une mère courage, l’alcool et la violence d’un père raté mais pardonné, le basculement progressif dans la délinquance. Quand on referme le livre, on est un peu triste, on aurait voulu que ça dure encore. On a ri (le braquage de la libraire de la place de la Réunion est un morceau d’anthologie), on a pleuré, et, surtout, on s’est attaché. C’est qu’on n’est pas près de les oublier, le grand Serge, la grosse Josée, le copain Jo, Jacky le Bordelais, Marco, Schtoro, Jojo Lezard et les autres…