C'est une femme nue, allongée de dos, qui, dans le plus
tranquille naturel, offre au regard ses courbes voluptueuses.
Avec un sourire énigmatique, elle se contemple dans un miroir
au cadre d'ébène, semblant à peine souffrir des sept entailles qui lacèrent
son corps parfait, de la nuque jusques aux fesses.
Nous sommes en 1914 : l'un des tableaux les plus célèbres de l'histoire
de l'art, la Vénus au miroir de Velázquez, vient d'être vandalisé par
la suffragette Mary Richardson. Pourquoi la féministe s'en est-elle
prise à un tableau ? À celui-ci plutôt qu'à un autre ? C'est ce
que cherche à comprendre Bruno Nassim Aboudrar en reconstituant
minutieusement la «scène du crime», et en contant le destin hors norme
d'une toile subversive, seul nu connu à ce jour dans la peinture espagnole
du XVIIe siècle.
Tour à tour passent sur l'oeuvre, pour mieux la révéler, les mains de la
profanatrice, d'un restaurateur de tableaux, du conservateur en chef de
la National Gallery ou encore d'un professeur de chimie interrogeant
pigments et vernis. De l'Angleterre puritaine de 1914 à l'Espagne
austère et pieuse de la cour de Philippe IV, c'est aussi à une méditation
sur la représentation du corps féminin que ce voyage nous convie : un
corps tour à tour sacralisé et mortifié ; à la fois caché, contraint, brimé,
et célébré dans le secret des alcôves et des galeries bien gardées.
Mêlant l'enquête à l'analyse érudite, Qui veut la peau de Vénus ? nous fait entrer
dans l'intimité trouble d'un tableau : son aura de rêveries et de fantasmes
qui fait de la puissance d'une oeuvre, aussi, la condition de sa vulnérabilité.