En ce XIIIe siècle qui vit une large diffusion du bouddhisme, les écoles dites de la Terre Pure - le Paradis promis par Amida à ceux qui mettraient en lui leur foi - touchèrent toutes les couches de la population et, autant que le zen, modelèrent durablement la sensibilité japonaise.
Dans les Récits de l'éveil du coeur, dont c'est ici la première traduction en Occident, Kamo no Chômei, l'auteur des Notes de ma cabane de moine, propose une galerie de personnages souvent pittoresques, de condition très diverse : ascètes, mais aussi moines ambitieux ou retors, dévots aux pratiques fantasques, mendiants, saltimbanques, femmes énergiques ou blessées par la vie. Des anecdotes comiques alternent avec de belles histoires d'amitié ou d'amour malheureux, des récits de conversion avec la peinture de personnages sombrant dans leurs passions. Au-delà du propos didactique, Chômei se révèle un maître dans l'art de la nouvelle brève.
« C'est pourquoi, considérant l'étroitesse de mon esprit, j'ai renoncé à explorer les profondeurs de la Loi, pour noter et collecter les petits faits dont j'avais été le témoin ou que l'on m'avait rapportés, et je les ai gardés pardevers moi. [...] On pourra dire que j'ai saisi des nuages, que j'ai capturé du vent : à qui cet ouvrage sera-t-il utile ? Quoi qu'il en soit, ne demandant pas que l'on me crût, je n'ai pas nécessairement cherché les preuves sûres de ce que je racontais. Simplement j'ai voulu, pour ainsi dire, grâce aux bluettes cueillies sur ma route, réjouir mon coeur, ce coeur qu'en un instant j'ai éveillé. »
Kamo no Chômei, Récits de l'éveil du coeur, « Préambule ».