Les prairies ordinaires
Traversées
Dans l'urgence de documenter la révolution syrienne s'est exprimé le désir de libérer les mémoires et de briser le monopole de la vérité instauré par les Assad depuis 1970. Ce régime despotique, qui a envahi le moindre recoin de la sphère publique et impose une censure paranoïaque sur les expressions critiques ou dissidentes, a tout fait pour transformer la Syrie en une terre d'oubli. Yassin Al Haj Saleh, jeune militant communiste, est emprisonné en 1979. Il n'en sortira que 16 ans plus tard. Il livre ici un témoignage unique sur sa société, sur les transformations que la détention a lentement opérées en lui, sur les relations entre détenus de différentes obédiences politiques et le devenir contrasté des prisonniers après leur libération. Il révèle ainsi toute une culture politique syrienne, l'ordinaire de la dictature et la force de résistance de ses victimes. La prison a fait de l'auteur un écrivain et un observateur lucide de la société syrienne, en le poussant à acquérir une salvatrice culture autodidacte. Son expérience de la clandestinité et de l'exil, relatée dans deux textes inédits qui prolongent le récit initial, font entrevoir la difficulté, pour lui et les autres militants démocrates syriens, d'une lutte menée sur plusieurs fronts : contre le régime des Assad, contre le jihadisme et contre l'oubli.