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Lorsqu’en 1990, Mike Godwin, un jeune avocat de l’État de New York, formula, sur l’un des premiers réseaux sociaux de l’époque, la proposition qui allait très vite devenir la loi portant son nom, personne n’imaginait que celle-ci deviendrait un jour aussi célèbre que les plus grandes lois physiques. C’était une loi d’une simplicité élémentaire. Elle se formulait comme suit : « Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Hitler se rapproche de 1. » Dans les échanges se déroulant sur Internet, se livrer à une telle comparaison signifie désormais aussitôt recevoir des autres participants ce que l’on appelle un « Point Godwin » – la médaille de la honte de l’internaute. Mais ce qui peut n’apparaître que comme un simple tic de geek n’est-il que cela ? N’y a-t-il pas dans l’obsession pour le nazisme, l’hitlérisme et l’Holocauste, telle qu’elle se manifeste sous son visage le plus pop à travers le Point Godwin, l’une des plus embarrassantes vérités de notre temps ? Telle est du moins la thèse de François De Smet : notre obsession pour le souvenir de la Shoah et la limite qu’elle pose désormais à la liberté d’expression ne sont rien d’autre que le signe de notre incapacité contemporaine à admettre et à comprendre le mal. Passant avec une virtuosité confondante des Bienveillantes de Benjamin Littell à la rhétorique du tweet, de Hannah Arendt à Lost Highway, ou des expériences de Milgram à Belle du Seigneur, le livre de François De Smet offre ainsi le portrait grinçant d’une époque aliénée à elle-même, à son histoire et à ses futurs possibles.