Peut-on encore être intempestif aujourd'hui ?
L'intempestif est à la fois l'inopportun et l'inconvenant. Ce qui est
à contretemps, trop tôt ou trop tard, et ce qui n'est pas convenable,
déplacé en somme. Double décalage dans le temps et dans l'usage,
double marginalité aussi. Mais qu'y a-t-il à y gagner ? C'est que
l'intempestif ouvre également un double accès : voir ce qu'ordinairement
on ne peut ou ne veut pas voir, dire ce qu'ordinairement on
ne peut ou ne veut pas entendre. Or, sortir ainsi du conformisme
intellectuel, c'est-à-dire du néant de pensée, est l'une des tâches les
plus difficiles en un temps où règne la confusion des idées, où ce qui
est présenté comme opposé et alternatif est souvent le reflet spéculaire
du plus conventionnel, du plus commun, du plus convenu.
Pour éviter l'asphyxie intellectuelle de notre époque, il faut donc
être intempestif.
Ces réflexions intempestives de philosophie et de politique, écrites
dans les années 2000-2006, ont pour objet d'ouvrir des brèches partielles,
locales, ponctuelles dans le conformisme intellectuel pour
dégager des accès différents sur le monde contemporain : la lente
dérive de notre temps vers de nouvelles formes de guerre, le déclin
des démocraties, la querelle des légitimités, la recherche du meilleur et
le retour récurrent de la barbarie, le culte de l'individu et la perte
d'identité, la liberté et la servitude sexuelles, la dépression dans
l'art, l'empire du divertissement, le pouvoir et la subjectivité, la lutte
nécessaire contre le nihilisme, les raisons qui nous restent d'espérer.