Réflexions sur Toscanini
Musique et politique
« En février 1946, lorsque le gouvernement italien annonça la tenue en
juin d'un référendum sur l'abolition de la monarchie, Toscanini se décida à rentrer en Italie pour y diriger un concert à l'occasion de la réouverture de la Scala.
Les trois quarts du centre historique de Milan avaient été détruits ou endommagés lors des vingt derniers mois du conflit [...].
Toscanini, arrivé en Italie deux jours plus tôt, n'avait pas tardé à imposer
ses règles. La Scala devait réintégrer les musiciens juifs qui, renvoyés en 1938,
avaient néanmoins pu survivre à l'occupation allemande : cela concernait en premier lieu Vittore Veneziani, le chef des choeurs. D'autres employés, exclus pour
leur opposition au fascisme, retrouvèrent de même leur poste.
Le 11 mai, la Scala, qui sentait encore la peinture fraîche, se remplit au
double de sa capacité [...]. À vingt et une heures précises, Toscanini, presque
octogénaire, apparut sur "sa" scène, pour la première fois depuis seize ans. Les
spectateurs se levèrent d'un bond, comme un seul homme, applaudissant frénétiquement, hurlant des "Toscanini ! Toscanini !" et pleurant à chaudes larmes.
La dictature, la guerre, les interminables souffrances du peuple : tout cela était
désormais du passé. Le concert s'acheva sur trente-sept minutes de cris de joie
et de vivats. En coulisse, l'orchestre offrit à son chef un médaillon en or portant
l'inscription "Au Maestro qui ne fut jamais absent - son orchestre". »