"La légende d'Abraha Pokou, reine baoulé, m'a été
contée pour la première fois quand j'avais autour
de dix ans. Je me souviens que l'histoire de cette
femme sacrifiant son fils unique pour sauver son
peuple avait frappé mon imagination de petite fille
vivant à Abidjan. Je me représentais Pokou sous les
traits d'une Madone noire.
Plus tard, au lycée, je retrouvai le récit du sacrifice,
mais cette fois-ci dans mon livre d'histoire. Un
petit encart dans le chapitre sur le royaume ashanti
au XVIIIe siècle expliquait que l'exode de la reine et
de ses partisans, à la suite d'une guerre de succession,
aboutit à la naissance du royaume baoulé...
Plusieurs décennies plus tard, la violence et la
guerre déferlèrent dans notre vie, rendant brusquement
le futur incertain. Pokou m'apparut alors sous
un jour beaucoup plus funeste, celui d'une reine
assoiffée de pouvoir..."
Tel est le prélude de Véronique Tadjo. Quelques
jours seulement après les derniers événements
d'Abidjan et cinq ans après son très beau
livre écrit au Rwanda : L'Ombre d'Imana, la romancière
revisite en conteuse le mythe de la reine
Pokou pour tenter, peut-être, d'exorciser sa peur et
de réinventer l'enfance.