«Elle dénouait son foulard, caressait les papillons chiffonnés qui semblaient peu à peu revivre, retrouver leurs couleurs, leurs antennes, leur direction dans le ciel de soie blanche, déboutonnait son manteau, le laissait entrouvert face à l'avion-toboggan dont les ailes jaunes étincelaient dans la nuit, telle une passagère qui se mettrait à l'aise avant d'embarquer, prête à n'importe quel départ devant la première passerelle, me demandait, incapable de se baisser, de défaire les boucles de ses escarpins, de les retirer tout doucement de ses pieds qui n'avaient plus de forme, qui étaient devenus ceux, durcis, figés, emmitouflés, déjà, dans leurs bandeaux de chair bleutée, d'un fantassin centenaire et glacé, qui, loin de tout, n'attendait plus d'ordres que de lui-même et ne tenait debout que par le souvenir de l'honneur inculqué.»
Ce récit de Jean-Noël Pancrazi est - après Madame Arnoul et Long séjour - le troisième pan d'une petite trilogie des adieux.