Ce n'est pas le paradis qui est perdu, c'est le temps avec
ses révolutions. Nice, dans les années cinquante et
soixante, était l'endroit rêvé où rendre un culte intérieur
et un peu désespéré à l'île Maurice de mes ancêtres. La
réalité semblait ne cesser de s'y transformer, des populations
très pauvres, venues de tous les coins de l'Europe et
de l'Asie, des Russes, des Italiens, des Grecs, des émigrés
africains, et les premiers rapatriés fuyant la guerre
d'Algérie, s'y croisaient chaque jour, et quelque chose de
la fabrication de la pensée classique, c'est-à-dire de la philosophie,
y était encore perceptible. Peut-être, à un degré
différent et sur un autre mode, ce qu'était Alger ou
Beyrouth à la même époque.
L'exil, la recherche d'une terre, font partie de ce qui m'a
été donné premièrement. Il m'a toujours semblé,
comme l'a dit Flannery O'Connor, qu'un romancier doit
être porté à écrire sur les premières années de sa vie, où
le principal lui a été donné.
J.M.G. L.C.