On peut se représenter Roger Garaudy comme un caméléon, tant il a
changé de couleur au cours de sa longue vie d'intellectuel engagé.
Né à Marseille en 1913 dans une famille de petits employés, Roger
Garaudy commence son engagement comme militant protestant, ce qui ne
l'empêche pas d'entrer tôt au Parti communiste et d'y faire une ascension
fulgurante après guerre, tout en poursuivant des études de philosophie. Sa
verve et son mordant, sa servilité, aussi, en font rapidement un de ses
porte-parole les plus en vue. Son témoignage dans le procès Kravchenko
marque le faîte de sa gloire comme stalinien officiel. C'est sa période rouge
vif. Bientôt, il prend ses distances tout en se posant en victime des «durs»,
et guigne du côté des gauchistes libertaires qui animent Mai 68. Séquence
rouge et noire. Mais voilà que la thématique tiers-mondiste l'appelle. C'est
l'occasion de se poser en champion de l'anticolonialisme, de fustiger
l'arrogance de l'Occident et d'incarner «le sanglot de l'homme blanc».
Son engagement va très loin, puisqu'il se convertit à l'islam et chante les
bienfaits de la révolution khomeinyste. Période verte. Des dizaines de livres
émaillent ces années de retournements successifs, mais aucun d'entre
eux n'est pris véritablement au sérieux. Jusqu'à sa période brune. En
signant Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, Garaudy accède
enfin à la notoriété tant convoitée. Ce livre négationniste lui vaudra deux
procès, qu'il perdra, mais surtout un succès immense et instantané dans
tout le Moyen-Orient. Vilipendé et méprisé en France, Roger Garaudy
devient dans les années 90 un propagandiste de l'antisémitisme dans le
monde musulman, multipliant interviews, conférences de presse et débats
ayant pour thème le «mythe» de la Shoah. Invité en grande pompe par les
rois, les présidents à vie et les imams, il est devenu le principal inspirateur
des ayatollahs et des ennemis d'Israël, dont Mahmoud Ahmadinejad ou
Hassan Nasrallah.
Ce livre retrace l'itinéraire en zigzag d'un intellectuel raté mais exalté et
dévoile l'étendue de son ultime forfaiture, dont peu d'observateurs
occidentaux ont pris la mesure.