On a toujours beaucoup parlé de Roman Polanski. Ces derniers temps bien sûr, lorsque l'affaire de mœurs qui l'avait conduit à quitter les États-Unis en 1977 l'a rattrapé en septembre 2009... Mais déjà à Lodz, dans les couloirs de l'école de cinéma, quand l'étudiant qu'on surnommait Romek fascinait ses camarades avec sa ferme intention de conquérir le monde... et aussi dans les années soixante quand il séduisait l'Occident avec son sens de l'absurde et sa mise en scène virtuose... ou encore en 1969 quand son épouse Sharon Tate fut assassinée par les disciples de Charles Manson. Oui, on a toujours beaucoup parlé de Roman Polanski et de sa vie si outrageusement, si désespérément romanesque... Et on en reparlera, bien sûr, dans ce livre qui évoquera – du ghetto de Cracovie au chalet de Gstaad en passant par le Swinging London et l'Amérique du Flower Power – 77 ans d'une existence qui épouse les soubresauts du siècle. Mais ce dont on parle peu – ou jamais assez –, s'agissant de Roman Polanski, c'est de l'œuvre. Au-delà de l'homme, de ses tragédies et de ses failles, il y a un cinéaste de tout premier plan. Polanski a adapté Shakespeare (Macbeth, 1971), Hardy (Tess, 1979) et Dickens (Oliver Twist, 2005), révélé au monde le destin de Wladyslaw Szpilman (Le Pianiste, 2002), signé un chef-d'œuvre du film noir (Chinatown, 1974) et inventé la parodie sérieuse (Le Bal des vampires, 1967), terrifié des générations de spectateur (Répulsion, 1965 ; Rosemary's Baby, 1968) et trouvé un équivalent cinématographique à l'esthétique de Beckett (Cul-de-sac, 1966) comme à celle de Kafka (Le Locataire, 1976)... Bref, il a donné au cinéma une série de films d'apparence très différente mais profondément reliés par une même vision du monde. Une vision du monde que ce livre se propose de mettre enfin au jour.