Rumford
Le scandaleux bienfaiteur d'Harvard
Voici la biographie d'un homme honoré de son vivant, maintenant méconnu : Benjamin Thompson (1753-1814), fils d'un fermier des colonies américaines mais faisant le choix de l'Angleterre - un temps espion et mercenaire brutal - connut une ascension sociale singulière et devint en Europe Comte Rumford, Ministre en Bavière, et membre de l'Institut en France pour ses découvertes scientifiques.
Industriel philanthrope, mais aussi bienfaiteur misanthrope, comme l'on jugé ses contemporains, il fut sans doute un des premiers à être défini comme « citoyen du monde ». Politique et scientifique, expérimentateur génial, il se passionna pour les applications pratiques de ses théories et expériences ; on lui doit une nouvelle conception des cheminées, le chauffage central à la vapeur, les cafetières et les cuisinières modernes. Réformateur social plus qu'énergique, il éradiqua la mendicité à Munich, y créa le Jardin Anglais en 1789 - premier grand parc public au coeur des villes - et élabora les « soupes à la Rumford » qui sauvèrent de la famine nombre d'européens pauvres.
Nous lui devons rien de moins que la théorie moderne de la chaleur comme mouvement moléculaire ; il vint en France pour exposer sa théorie qui remplaça celle de Lavoisier et... épousa Madame veuve Lavoisier.
Il créa la Royal Institution et la médaille Rumford en Angleterre, le prix Rumford aux Etats-Unis, et fit à Harvard une proposition à titre posthume, que la prestigieuse université ne put pas refuser !
Personnalité d'une ambivalence éclatante - les « éloges » funèbres qu'il suscita, tel celui de Cuvier, sont des bijoux d'ambiguïté - l'unique comte américain mérite de sortir de l'oubli : sa vie extraordinaire nous est racontée par Eric Sartori avec son écriture fluide, son style chatoyant et son humour délicieusement dry.