Saâdane Afif : saturne et les remakes
En 2004, Saâdane Afif (né en 1970), alors que son art a moins d'une dizaine d'années d'existence, prend une étonnante décision : ses oeuvres - sculptures, peintures, installations - seront également des chansons, dont il passe commande à des paroliers et compositeurs. Les paroles de chanson se substituent ainsi, sur les murs des galeries et des musées, aux énoncés de l'art conceptuel. Ces oeuvres qui engendrent des pop songs, donnant lieu à la fête collective qu'est le concert, sont, véritables Vanités contemporaines, empreintes d'une profonde mélancolie. Saâdane Afif nous apparaît de la sorte sous un double visage : l'enfant de Saturne - têtes de mort, tic tac des horloges - et l'artiste qui multiplie les versions de ses oeuvres - poèmes, chansons, mais aussi remakes. Quel rapport y a-t-il entre ces deux dimensions ? Dans une société du spectacle et de la communication qui voue l'art à cette mort qu'est la réification, les chansons et remakes de Saâdane Afif, en évitant que l'oeuvre ne se laisse enfermer dans un seul objet, une seule forme, sous un seul concept, entendent peut-être se donner la chance de rester en vie. Contre la mélancolie, l'artiste joue le jeu infini de la traduction, de la transcription, des interprétations plurielles. Contre Saturne, l'artiste imagine une Babel heureuse.