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Si « le bonheur est une idée neuve en Europe », le suicide la précède de peu : ce n’est qu’au XVIIIe siècle qu’il est ainsi nommé et devient une question de société, débattue dans les salons, dans les confessionnaux et devant les tribunaux. Car ce sont bien des cadavres qui étaient traînés devant les cours de justice, promis par l’Église à la damnation éternelle, et condamnés par les officiers civils, à avoir la mémoire déshonorée, voire « supprimée ». Jugé un crime horrible, le suicide n’est momentanément dépénalisé qu’en 1791 sous le double effet de la déchristianisation révolutionnaire et de la sacro-sainte liberté qui guide désormais les pas des Citoyens, tels de nouveaux héros antiques. La mort volontaire n’est pas encore dans le grand vent du romantisme et elle se révèle inscrite dans le quotidien de l’ensemble de la société : hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres… Pour des questions d’honneur, de misère, de solitude, d’amour aussi… on « s’homicide soi-même », on « s’assassine », on « se défait soi-même » par le fer, le poison ou l’eau. En s’appuyant sur les rapports de police, les testaments, les anecdotes relatées par les gazettes ou les journaux privés, l’ouvrage redonne vie à ces morts et nous montre une humanité familière, touchante et complexe. Les très nombreux cas étudiés offrent au final un tableau d’une incroyable richesse de la sensibilité, des formes de sociabilité et des mentalités de ces Français de la fin de l’Ancien Régime et de l’Empire.