La participation de plus en plus importante de la recherche scientifique aux activités économiques tend à constituer progressivement la Science, y compris dans ses institutions publiques, en enjeu économique essentiel. Or, le rapprochement entre la science et l’industrie est aussi un rapprochement géographique, le voisinage concret d’établissements industriels avec des laboratoires ou des instituts de formation pouvant déboucher sur des collaborations et des échanges. Quelle est l’importance réelle de ces relations locales au-delà des discours euphoriques sur les technopoles, zones d’innovation ou parcs technologiques ? Comment varient-elles d’un site à l’autre ? Comment se construisent-elles concrètement ? Quelles sont les logiques humaines et sociales qui sous-tendent leur développement ? L’analyse de la constitution des pôles français de science appliquée ainsi que de l’évolution des relations locales entre les institutions scientifiques et les entreprises montre à quel point il s’agit d’un phénomène de fond inscrit dans des temporalités plus importantes qu’on ne le croit généralement : certains sites précurseurs des sciences appliquées (Grenoble, Nancy, Toulouse...) restent parmi les plus importants, tant pour le potentiel de recherche appliquée que pour les collaborations locales entre la science et l’industrie. Au-delà du constat de la force de ces échanges locaux et de leurs variations entre les pôles scientifiques, se pose la question des logiques sociales qui les rendent possibles et en résultent tout à la fois. À travers le jeu des trajectoires individuelles et des réseaux locaux se dessinent des systèmes d’action locaux qui forment le cadre des relations entre les organisations. On perçoit alors que derrière le laboratoire ou l’entreprise, ce sont les hommes qui sont à l’œuvre dans ce rapprochement à la fois chaotique et inéluctable entre les sources du savoir et celles de la richesse.