Soit un régiment : la Légion étrangère. Prenez quelques jeunes gens dans la force de l'âge (par exemple une douzaine de lieutenants). Ajoutez : une table en merisier 340 X 160, une cage en alliage métallique, des trophées de campagnes (un vieux casque boche à pointe et un gilet pare-balles en bois de chêne, ou cravate). Placez le tout dans le préfabriqué en ruine qui sert habituellement de bordel, vous obtenez une popote.
Tout au long du repas, au gré des rébellions et de l'humeur du président de table, et ce jusqu'au bout de la nuit dans Kourou électrique, le popotier distribuera des pots. Ainsi chants de troupes et «vos gueules là-dedans !» rythmeront les récits épiques des invités. Mais il faudra rejoindre la place d'armes avant que le soleil se lève puis préparer ses pacos et surtout ne pas rater l'avion de ligne qui de Cayenne renverra à un foyer plus confortable.
Et toi, de tout cela, tu veux restituer un présent personnel : la popote telle que tu l'as vécue, faite de ta distraction décidément maladive, des chuchotements des uns et des autres, des dessous-de-table et surtout de ces à-côtés sans lesquels une popote ne serait qu'un simple repas de Corps... Au fond ce tissage où se mêlent les bris de ta vie, a-t-il un autre objectif que de maintenir vivace cette illusion par laquelle tu tiens encore debout (malgré les apparences) : la femme - interdite - mais qui force sans cesse le barrage.