Aux « pays de derrière et de devant » qui ont fait l'île et dont la mémoire souvent se perd, les textes de Carpanin Marimoutou préfèrent les chemins qui passent et se croisent, « gatir tout nout zarlor ». Ces « shemin maniok, shemin galé » remontent aux temps premiers des conquêtes, des traversées et des exils, aux temps de l'enfance, aux temps des morts, des morts de l'histoire, des morts avec lesquels l'on continue sa route. D'une voix contenue, légère et prégnante, souriante et grave, ces textes rappellent à La Réunion la pluralité des espaces et des rencontres qui l'ont construite et se souviennent de la découverte qu'en fit un enfant frêle. De l'un à l'autre, d'une langue l'autre, ils disent surtout le goût de cette île pour les histoires, pour leurs illusions et leurs rêves doux-amers. Le recueil invite à glisser sur ce chemin comme l'eau sur « la fleur de songe vue à Ubud » et à laisser remonter des images et des voix « po bliyé po baléyé po bliyé loubli ». A ces poèmes, « faciles » par leur discrétion et l'élégance de leur émotion, s'associent intimement des oeuvres d'André Robèr, l'un de ces compagnons de voyage de l'auteur.