« Quelle différence y a-t-il entre un tailleur et un psychanalyste ? - Une génération. »
Introduire ce recueil collectif par un mot d'esprit permet de donner le ton des trois niveaux d'étude qu'il propose autour d'un mot de la culture juive, spécifiquement de la culture ashkénaze, afin de reconstituer le tissu d'une mémoire transmise au fil des générations. Ce mot est le mot yiddish shmattè (du polonais szmata, « tissu déchiré », « chiffon », « rebut ») qui évoque le métier de tailleur mais aussi la fripe. A partir de ce mot et du travail d'un artiste, Michel Nedjar, ancien tailleur de père en fils, qui crée des poupées de shmattès, il sera question des langues, de l'identité, de leur transmission dans l'émigration des juifs d'Europe de l'Est, de l'exclusion et de l'antisémitisme. D'anciens tailleurs devenus écrivains parlent du rapport entre shmattès et écriture. Au travers de ce mot comme un mot de passe au fil de soi, on interroge le tissu et le tissage de la mémoire. Toujours sur le fil de la mémoire et de l'histoire d'une culture, la deuxième partie du recueil aborde l'articulation du profane et du sacré dans les occurrences et la dimension symbolique du tissu dans la Bible. Ne pas mélanger les générations, loi au fondement de la structure de toute société humaine et point de capiton de notre troisième niveau de recherche, le shmattè devenu tissu social relance l'approche psychanalytique de ce signifiant, symptôme par excellence, reste de bouts de soi qui constituent cependant encore une enveloppe. Shmattè fonctionne comme un schibboleth, au même titre que le paradigme du rêve ou la théorie du symptôme.
Actes du colloque organisé les 29, 30 et 31 mars 2004 au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme de Paris par l'Ecole doctorale « Recherches en psychanalyse » de l'Université Paris Diderot et par la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université Bar-Ilan, Tel-Aviv, Israël.