Les études ici réunies concernent six penseurs qui, pour des raisons phénoménologiques, jugèrent nécessaire de s'expliquer avec Heidegger. Trois d'entre eux - Hannah Arendt, Hans-Georg Gadamer et Hans Jonas - comptèrent parmi ses premiers élèves, souvent dans les mêmes classes, à Fribourg déjà pour Jonas et Gadamer, à Marbourg ensuite pour tous les trois. Le quatrième - Leo Strauss - n'en fut dans le même temps qu'un auditeur épisodique, mais cela lui permit de découvrir sa propre voie. Ils furent tous, à des titres divers, marqués par l'enseignement qu'ils en reçurent à l'époque où Heidegger préparait Sein und Zeit. Le cinquième - Emmanuel Levinas - après avoir lu avec éblouissement ce livre dédié à Husserl auquel lui-même avait consacré ses premiers travaux, partit aussitôt pour Fribourg, en écouter de vive voix l'auteur. Seul le sixième - Maurice Merleau-Ponty - ne fut jamais l'élève ni l'auditeur de Heidegger. Mais il jugea opportun de lui consacrer des leçons à l'époque où il préparait le livre que sa mort interrompit en plein chantier. Ils s'inscrivent donc tous, chacun à sa façon, dans le sillage de Heidegger. Cependant chacun d'eux s'y inscrit non pas comme disciple mais comme phénoménologue à part entière. De quoi résulte que la stimulation incontestable qu'il leur procura, et qu'ils saluèrent, les porta, tantôt de front, tantôt de biais, à réviser, nuancer, contester, voire rejeter sur nombre de points son enseignement, et, en tout cas, à le lire autrement qu'il ne souhaitait être lu. Les enjeux de ces diverses répliques à Heidegger sont au moins aussi nombreux qu'elles. Ce sont : l'action, la vie, l'interprétation, le bios théorétikos, la relation éthique, la perception. Encore qu'aucune d'elles ne se borne à un seul de ces enjeux, et qu'elles s'entrecroisent à bien des égards.