Sir Ernest Shackleton
Cancre à 16 ans, Ernest Shackleton, fils de médecin, préfère l'apprentissage du métier de marin à la scolarité. Il a 28 ans lorsqu'il est engagé, en 1902, sous le commandement de Robert Falcon Scott. La mission de l'expédition est de ficher l'Union Jack au pôle sud, coeur hostile et glacé du continent jamais encore pénétré par l'Homme.
Bien que l'expédition soit un échec, Shackleton a pris goût au grand défi. Assoiffé de gloire, il organisera désormais ses propres expéditions pour être Celui qui gagnera le pôle. Malgré les épreuves qu'il surmontera, il manquera toujours son but.
Doué d'une volonté hors du commun, cet Irlandais au tempérament bouillonnant donnera à ses entreprises une dimension onirique qui a contribué à faire de lui un héros de légende parmi les explorateurs polaires, les marins et les montagnards. « La gloire, oui, mais jamais au prix de la vie d'un homme », avait-il écrit à son épouse. Ses trois expéditions tourneront à l'échec qu'il transformera en glorieuses aventures. Il ne perdra jamais un seul homme, contrairement à Scott.
Dans les pires conditions, il fera toujours passer le salut de son équipage avant ses intérêts : devant leur trois-mâts, l'Endurance, prisonnier de la banquise de la mer de Weddell (plus grande que la France), puis broyé sous leurs yeux après des mois de dérive sur l'infini radeau de glace incontrôlable, il promettra à ses vingt-sept compagnons naufragés de les ramener tous à la maison. Grâce à son optimisme et son abnégation qui leur inspirent une foi absolue, ils dériveront encore presque un an avant de retourner à la civilisation au prix d'épreuves inimaginables.
Ainsi transformera-t-il chacune de ses trois expéditions en exploits surhumains, exemplaires, fraternels.
Quel homme se cachait donc derrière ce perdant magnifique, héros jalousé et vénéré ? Quelles forces intérieures, quelles secrètes inquiétudes le poussaient à ne se sentir libre et en accord avec lui-même qu'en affrontant les espaces hostiles, gelés et inconnus du Grand Sud ?
En l'accompagnant dans cette biographie, nous tenterons de comprendre les ressorts intimes de cet ambitieux consumé par une soif d'absolu qui aura désiré ardemment contribuer à la conquête du dernier continent vierge et que les honneurs n'intéresseront plus. Il aura accédé aux impossibles sommets de ses rêves de cancre.
« Car telle est la vertu première de l'aventurier digne de ce beau nom : faire que l'aventure soit déjà en elle-même, par-delà les aléas du meilleur et du pire, du succès et de l'échec, un accomplissement. À quoi réussit, ici mieux qu'aucun autre que je sache, Shackleton le Grand. »
Paul-Émile Victor