Né à Stratford-upon-Avon, dans le Warwickshire, William Shakespeare (1564-1616) a été reconnu très tôt comme poète, alors même qu'une épidémie de peste empêchait, à Londres, la production de ses premières pièces. Vénus et Adonis (1593) et Le Viol de Lucrèce (1594), deux longs poèmes narratifs, fortement inspirés des Antiques, et tous deux dédiés à son protecteur, le comte de Southampton, ont été publiés par un ami et voisin de Stratford, Richard Field, de même qu'il apportait sa contribution à un ouvrage collectif de Robert Chester avec Les Phoenix et Tourterelle. Cependant, il circulait sous le manteau des oeuvres plus intimes, qualifiées par un contemporain, Francis Meres, de « sugared sonnets », sonnets sucrés, certains à forte connotation érotique et relatant une liaison passionnelle avec ses déclarations d'amour, ses périodes de doute et ses scènes de jalousie. Ils sont, sans ambiguïté possible, hormis ceux inspirés par une mystérieuse dark lady, adressés à un jeune aristocrate d'une grande beauté, sur l'identité duquel les spécialistes se disputent encore, mais dont les moeurs ne font aucun doute, tout en nous renseignant sur celles de l'auteur, et de l'époque en général, à la fin du règne de la grande Elisabeth. Publiés seulement en 1609, avec ou sans l'assentiment de Shakespeare, alors définitivement célèbre après sa série des dark plays (Hamlet, Othello, Lear, Macbeth), leur dédicataire est cette unique fois un certain W.H., mystérieuses initiales qui ont encore ajouté au renom de ce chef-d'oeuvre poétique que sont les Sonnets.