Rosie Pinhas-Delpuech, née à Istanbul, est
l'un des rares écrivains turcs de langue française,
sa «langue père». Car elle n'a pas de
«langue mère», écrit-elle dans Suite byzantine,
la première partie de ce livre. Ni le
judéo-espagnol, «domestique», des femmes
de sa famille, ni l'allemand de sa mère,
«greffe contre nature», ne sauraient en tenir lieu. Le turc ?
C'est pour elle la langue «du dehors», dont l'apprentissage
gourmand marque l'ouverture au monde de «l'enfant»
qu'elle était dans les rues d'Istanbul, d'où elle partira étudier
en France, renonçant alors à écrire en turc, s'appropriant
bientôt l'hébreu, qu'elle fait profession de traduire - ainsi que
le turc du grand nouvelliste Sait Faik, qu'elle aperçut toute
petite sur l'île de Burgaz et qu'elle vénère.
Après Suite byzantine (2003, épuisé), texte singulier et
précieux sur «l'enfant» dans son dédale de langues, elle a
publié Anna (2007), où, d'Andrinople à Paris, elle affronte
une noire mémoire familiale. Et la voici qui ose le «je» dans
la seconde partie de ces Suites byzantines, neuf histoires gaies,
graves, crues entre les îles des Princes au large d'Istanbul,
entre les langues toujours, entre les sexes, entre les riches et
les pauvres, entre les Grecs, les Turcs, les Juifs, les Arméniens.
Ces histoires, qui prolongent et éclairent Suite byzantine,
ressuscitent l'Istanbul cosmopolite des années 60 et révèlent
un vrai talent de nouvelliste, marquant une nouvelle étape
dans le parcours d'écrivain de Rosie Pinhas-Delpuech.