Dès le début, il y a la ville, la ville et ses paradoxes : dans les espaces urbains et leurs successions se trouvent la place publique, mais aussi l'enfermement et la solitude. C'est donc le « sauvage » (le mot : ye, la campagne, le rude, le non cultivé) qui est le « pays natal ». Et ce dans quoi l'on a toujours baigné, les digues, le silence, le temps - à la surface duquel errent les humains. Plus loin se dessinent territoires et cartes (même imaginaires : les fines ridules que dessine l'eau sur le sable), là où un train, parcourant la côte entre Taipei et Yilan, trace une frontière, entre l'intérieur et l'extérieur, entre soi et autre. L'île, ici, est à la fois soi-même et la patrie à jamais séparée. De telles délimitations, coupures et enfermement donnent à la solitude son poids particulier et, là aussi, paradoxal. Jamais sans les miens, semble-t-il être dit ici, mais jamais vraiment avec eux non plus. On frôle des précipices, des univers parallèles. Un feu couve, sous l'apparente froideur, et il se pourrait bien qu'il brûle tout. Des déités veillent, cependant : Dieu le père ou divinités moins imposantes, mais en nombre. Tous les temps coexistent ; visions de chasses archaïques, de tribus ennemies qui annoncent les « communautés » d'aujourd'hui.
Dans sa lumière propre, mais non exempte de références - la poétesse donne forme à cet « objet qu'on appelle mémoire ».