Le tournant du siècle déploie toute la palette du talent et des contradictions de Verhaeren. Les grandes monographies consacrées à Rembrandt et à Ensor le voient célébrer l'idéale lumière et la couleur ; les recueils des Forces tumultueuses et de La Multiple Splendeur (tome 10 de la Poésie complète) magnifient la vie de façon quasi païenne et témoignent d'une profonde espérance en l'avenir humain.
Verhaeren travaille en revanche le continent sombre qui le hante depuis toujours à travers le théâtre. Coup sur coup, il compose Le Cloître (1900) et Philippe II (1901), pièces très différentes des Aubes (1898).
Immense succès sur les scènes européennes, Le Cloître donne à voir et à entendre la tardive confession publique du parricide commis par Dom Balthazar. Son aveu menace presque de dissolution la communauté monastique qu'il a choisie.
Philippe II plonge au coeur de la légende noire qui alimenta en Belgique la conscience nationale et prolonge l'intérêt du Romantisme européen pour la figure de l'infant. La pièce se concentre en effet sur le conflit qui oppose le fils de Charles Quint à son propre fils, Don Carlos.
Deux pièces marquées par le meurtre et le parricide, donc. Deux pièces mêlant vers et prose. Deux pièces centrées sur le choc des ambitions individuelles et des raisons collectives, qu'il s'impose de redécouvrir.