« Je suis comme un pèlerin qui se serait endormi un jour d'été les pieds dans l'eau et qui se réveillerait en hiver les jambes prises et emboîtées dans la glace », dit un personnage de Gautier.
À la fin de sa vie, l'écrivain entreprend de rédiger ses mémoires : son dessein est de raconter les exploits oubliés des « soldats obscurs » du romantisme. D'un ton nostalgique, il évoque une époque révolue caractérisée par l'élan vers l'idéal : en quelque sorte, il s'y révèle tel qu'en lui-même, entre enthousiasme et mélancolie. Ainsi Gautier, hanté par le Beau, sombre dans le spleen lorsqu'il se sent écrasé par un sublime qui le dépasse : l'insatisfaction de l'artiste - qui préfère « la statue à la femme et le marbre à la chair » - entraîne alors un repliement narcissique aboutissant à la désillusion.
Spécialiste de littérature fantastique et romantique, Alain Montandon observe cette alternance dans toute l'oeuvre de l'écrivain, mais aussi dans l'empreinte laissée par ses maîtres, notamment Hoffmann et Poe, nous faisant alors découvrir un Gautier intime et secret.