De 1840, date de son premier périple en Espagne, à 1864, son dernier voyage de l'autre côté des Pyrénées, Théophile Gautier ne rate pas une occasion de se rendre aux arènes. La corrida, pour lui, n'est pas une passade, un exotisme à la mode, une lubie de dandy qui cherche à se faire remarquer, mais une passion durable qui le transporte et l'émeut. Rapidement il fait figure de spécialiste et endosse l'habit d'envoyé spécial des grandes feuilles parisiennes. Il a la chance de voir l'inventif Paquiro, l'ordonnateur réfléchi du spectacle et Cúchares, la vedette du moment, Cayetano Sanz, l'artiste fragile et Gordito, le torero tourbillonnant ; et aussi l'émotionnant Desperdicios et le fantasque Lavi. Il applaudit la variété des styles et jauge l'éventail des stratégies, s'enthousiasme devant la bravoure des toros, collectionne affiches, gravures, cocardes et devises, accompagne les princes à Madrid, file à Bayonne pour la première en France, revient d'une novillada à Jerez, s'échappe à Vitoria...
Les amateurs de tauromachie et de littérature connaissent bien les classiques taurins de Gautier, régulièrement proposés en éditions courantes, « Voyage en Espagne », « La Tauromachie », « Militona ». Ils seront heureux de découvrir ici, guidés par Jean-Louis Marc, des textes oubliés, des reportages jamais réédités, des articles que l'on pensait enfouis pour toujours dans les collections des périodiques... Commentées, resituées dans la biographie de l'auteur, replacées dans le cadre du toreo de l'époque, ces pages nous rendent plus proches à la fois le personnage de Gautier aficionado, et les composantes du spectacle taurin au milieu du XIXe siècle.