Fondateur du Parti communiste en France (1920), Boris Souvarine (1895-1984) a connu tous les grands dirigeants olcheviques : Lénine,Trotski, Zinoviev, Staline, etc. Il est devenu l'ami de nombreux écrivains : Isaac Babel, Boris Pilniak, Dimitri Fourmanov... Après son exclusion en 1924, il a entamé un patient travail d'analyse critique du bolchevisme qui le
conduit à publier Staline, aperçu historique du bolchevisme (1935), oeuvre aujourd'hui encore inégalée. Souvarine s'est toujours soucié du sort des plus humbles et a tenté d'alerter les opinions publiques sur la réalité des répressions féroces - époque où « le coeur se serre et les cheveux se dressent sur la tête » comme l'a dit Pasternak - alors que les élites occidentales détournaient le regard pour des raisons politiques à courte vue. Du Figaro (1939) à Preuves, puis du Contrat social (sa revue) à EstetOuest, Souvarine s'est battu au moyen de sa seule arme : sa plume, sans espoir ni illusions, pour conserver la mémoire des disparus et pour la vérité, accumulant les documents sur le sort tragique des écrivains russes. Dénonçant l'imposture de la « déstalinisation » khrouchtchévienne, il défendit les vrais créateurs dans leur lutte inégale contre le régime, au premier rang desquels on trouve la noble figure de Boris Pasternak, persécuté pour Le Docteur Jivago et conduit à la mort.
Près de trente ans après sa disparition, Souvarine demeure l'un des critiques les plus rigoureux du totalitarisme soviétique, et sa chronique de la tragédie des lettres russes permet d'en mieux comprendre la nature intrinsèquement liberticide.