Yin Jiahou se lève à cinq heures dans la pièce inconfortable
et exiguë qu'il partage avec sa femme et son
fils de quatre ans. Il ne rentrera que tard le soir pour
retrouver une vie conjugale monotone empoisonnée
par la question - cruciale - du logement.
Entre-temps, il aura fait la queue partout ; affronté,
son fils dans les bras, la cohue des transports en commun
; appris avec dépit qu'il ne touchera pas cette
prime de première classe qu'il escomptait ; enquêté
sur les prix - exorbitants - de l'alcool en prévision de
cadeaux d'anniversaire qu'il doit offrir ; reçu du directeur
de l'usine la consigne de préparer l'accueil d'une délégation
japonaise.
Il aura médité sur la distance qui sépare le rêve de la
réalité, songé avec mélancolie aux espoirs de sa jeunesse
et à d'autres amours possibles, passées et à venir, sans
toutefois tenter le moindre pas dans cette direction
utopique, car il demeure profondément attaché à son
foyer, malgré cette grisaille, ou peut-être à cause d'elle.
Une journée ordinaire dans une existence ordinaire :
Chi Li s'attache à serrer au plus près la réalité chinoise
contemporaine. Les ouvriers qu'elle évoque n'ont plus
rien à voir avec les travailleurs héroïques qu'exalta le
maoïsme triomphant et son roman est avant tout un
témoignage poignant sur ces vies insignifiantes,
ignorées des rubriques de géopolitique, sur lesquelles
repose pourtant le destin de la Chine de demain.